Laura Corinti
Aujourd’hui nous posons 3 questions à Laura Corinti, dirigeante de 3 restaurants et une épicerie à Paris et en région parisienne, pour découvrir la femme qui se cache derrière ce statut. Nous pourrions la voir simplement comme une cheffe d’entreprise installée à Paris et passionnée par son activité. Et si, nous regardions Laura différemment ? Lorsque vous enlevez votre costume de dirigeante, quel(s) costume(s) aimez-vous enfiler ? C’est difficile de répondre. Il y a une grosse différence entre celui que j’aimerai enfiler et celui que j’ai. C’est très lié au secteur de la restauration car je travaille quand les autres ne travaillent pas et je suis libre quand les autres travaillent... La partie sociale de ma vie je l’ai perdue en devenant dirigeante d’entreprise, en tout cas au début, je l’avais vraiment perdue. Depuis 4 ans, j’essaye petit à petit de récupérer un costume “social”. Parce que mes amis ou ma famille qui passent au restaurant, eux ils me voient comme Laura, l’amie ou la fille, et moi je suis également Laura la dirigeante sur son lieu de travail. Et un fossé se creuse rapidement sans s’en apercevoir, happée par le rythme de travail que l’on a. Un autre costume sera un jour celui d’être mère. J’ai la chance d’être associée avec mon frère et de le voir fonder une famille avec 2 enfants et il réussit à concilier son statut de dirigeant avec une vie de famille épanouie. D’ailleurs, pour une carrière, le fait d’avoir un congé maternité et puis dans les mentalités aussi, être femme dirigeante et mère, c’est moins évident que pour les hommes. Dans les costumes que j’arrive à enfiler de temps en temps c’est celui de dessinatrice ou de photographe. En tout cas le costume que j’espère récupérer pleinement c’est celui d’une vie sociale normale ! Et tous ces costumes, ça s’intègre comment dans votre agenda professionnel ? Lorsqu’on travaille 6 jours sur 7 avec des horaires jusqu’à minuit et parfois au-delà, c’est sûr que c’est une question. Le rythme décalé avec mon entourage également complexifie mon agenda. Avant, mon agenda personnel se faisait en fonction de mon travail et de celui de mon mari afin d’optimiser nos moments communs et mon temps libre. Le risque est de s’oublier et de ne plus tenir le coup physiquement et mentalement. J’ai vite vu cet écueil dans la gestion de l’agenda et au bout d’un an, j’ai décidé de m’accorder du temps pour moi. J’ai également décidé de ne plus faire mes trajets en métro car cela ne permet pas de couper le rythme soutenu du travail et à la place je marche. Faire mes trajets à pied, ça me permet de prendre le temps de déconnecter pendant quelques instants avec les responsabilités que j’ai. On pense, on réfléchit tout le temps à son entreprise, ça fait partie de chaque instant et pour “switcher” ça ne se fait pas en 5 minutes, il faut prendre le temps d’enlever le costume de dirigeant avant de pouvoir en enfiler un autre. Par exemple, le jour de mon mariage j’étais dans ma robe de mariée pas dans mon costume de dirigeante, il y a eu un accident du travail dans un des restaurants, et bien le dirigeant est toujours joignable pour gérer ce genre de situation. Finalement c’est mon frère qui a géré la situation mais c’est une responsabilité non-stop même quand tu ne travailles pas. Et on se rend compte qu’en étant pas là, tout s’est quand même bien passé et tout le monde va bien aujourd’hui. M’imposer des plages horaires dans mon agenda pour réaliser des activités comme le dessin ou la photo ce n’est pas non plus mon mode de fonctionnement, je préfère faire en sorte d’avoir des moments où je peux être seule 1h ou 2 et à ce moment-là j’en profite, parfois ces moments arrivent de manière inattendue. Je peux voir une belle lumière en rentrant le soir et en profiter pour prendre un moment pour faire de la photo. Pendant les vacances aussi, c’est un moment propice pour la photographie. Et sinon, appeler mon père et faire de la photo avec lui, en fonction du moment, c’est également une possibilité. Quelles sont vos difficultés en tant que dirigeant ? J’en ai plein ! Avant d’être dirigeante, j’étais salariée dans une start-up éditrice de logiciel RH. Et la réalité que je connaissais comme par exemple le management ou la gestion de projet, ça n’a pas grand chose à voir avec le monde de la restauration. Trouver sa place en tant que dirigeante c’est difficile surtout dans un univers jusque là inconnu. J’ai d’abord commencé serveuse dans mon propre restaurant pour apprendre à connaître le métier. J’ai également revu mon approche du management car dans la restauration c’est très hiérarchisé, l’organisation est ordonnée, militarisée et les personnes avec qui je travaille sont peu ou pas spécialement qualifiées. Dans la figure du dirigeant en restauration, il peut y avoir plusieurs écueils : Ne pas comprendre/réussir dans l’opérationnel Avoir une image de “méchante patronne” Avoir une image au contraire très paternaliste pour aider ses salariés au maximum en tenant compte de leurs situations Avoir une vie “normale” L’autorité c’est facile de par le statut de dirigeant mais ce n’est pas ce qui me semble être une clé pour être épanouie et pour entretenir des relations harmonieuses. La place équilibrée de la dirigeante c’est une recherche de la bonne posture entre savoir écouter ses salariés et savoir aussi s’écouter soi-même. C’est un challenge permanent. Son activité : Pour découvrir directement les restaurants où partager une tranche d’Italie, voici les adresses : Merrigio (Paris 9) : http://meriggio-paris.com/ Metà e Metà (Montreuil) : https://www.meta-e-meta.com/ Damigiana (Paris 1er) : http://damigiana-paris.com/